Interview
 

TERRIER SORT DE SON COCON

PAR ADÈLE FUGÈRE

Il tient son nom du lieu où il a commencé à écrire des chansons. Un studio souterrain à Montreuil. David Enfrein - aka Terrier - est sorti de sa réserve il y a quelques années suite à des collaborations artistiques telles celle avec Izïa, mais surtout grâce à une voix grave, singulière - devenue signature - et une plume puissante, sans concession, directe. L’artiste vendéen peaufine actuellement la sortie d’un nouvel EP. On a évidemment joué les curieux.

Terrier se terre-t-il à Paris? « Non. Pas vraiment. Ça fait huit ans que j’y vis. Et même si au début, ce fut un peu difficile, j’y ai maintenant mes habitudes. Et j’y travaille bien. »

Il fignole la sortie de « Papillons » prévue en mai prochain. « Je crois que cet EP va surprendre un peu. Je parle toujours de vécu. D’expériences. De souvenirs. J’y conte le changement. Le passage d’un âge à un autre. D’un lieu à un autre. Mais je crois que je le fais différemment. » À trente ans, le garçon se dit plus assagi. Il va bien. Et ses morceaux s’en ressentent. « Ça ne veut pas dire que j’y fais moins attention. Je suis toujours très attaché au message à faire passer. »

C’est d’ailleurs une hantise, une obsession. Être le plus clair possible. Est-ce-pour cette raison que ses textes sont crus? « Oui. Je ne fais pas une musique qui fait danser. Et je n’aime pas les trucs trop dégoulinants. J’aime dire les choses clairement. J’ai envie que ce soit simple, accessible, populaire, entendable et compréhensible de tous. Je vais à l’essentiel. C’est pour cela que le texte est très important. »

Et c’est assez bluffant quand on sait que David n’écrit que depuis quatre ans. Pourtant, il se dit peu cultivé, pas assez curieux, pas assez lecteur. « Je n’ai pas le réflexe d’aller lire un livre par moi-même. C’est souvent parce qu’un ami ou une amie m’a dit de le faire que je vais m’intéresser à un auteur. » L’autre jour, il est tombé sur un recueil de textes de Georges Brassens. Il est resté scotché. « C’est simple sans être simple. Cash aussi ». Un peu comme son « Je t’aime bouteille » sur « Rue des Pervenches » sorti en 2021. Il y a, dans ces 3 minutes 39, des accents à la Nicolas Mathieu du temps de ses « Enfants après eux ».

David sait-il que Brassens disait lui aussi qu’il n’était pas assez cultivé?

Il aurait pu céder aux sirènes du texte à l’anglo-saxonne comme certains de ces condisciples qui s’y prêtent de temps en temps. Mais non. « Pour moi, ce qui est anglo-saxon c’est l’expérience du concert. C’est physique. C’est frontal avec le public. Tu es planté là avec ta guitare devant des gens et tu dois créer un moment. Écrire un texte, c’est différent. J’ai besoin d’être à poil. J’ai besoin de trouver un sens. Et chez moi ça ne peut passer que par le français. »

Comment se passe alors la naissance d’un morceau ? Les mots arrivent-ils en premier ? « Quelque fois oui. Quelque fois non. Un jour c’est le texte. Un autre la mélodie sur laquelle je vais poser un « yaourt » qui va ensuite déclencher un thème. Je peux aussi composer un morceau rapidement, comme Rue des Pervenches, ou prendre un temps fou. Il n’y pas de règles. »

En revanche, s’il y a une chose sur laquelle David ne tergiverse pas, c’est le son. C’est essentiel. Même si le début du travail est souvent solitaire, il aime collaborer, échanger. « C’est en rencontrant, partageant, discutant que je vais m’ouvrir à de nouvelles choses, de nouvelles « terres », sonorités, ambiances. Je contrôle tout mais j’aime être surpris. »

C’est pour cela qu’il est difficile de lui coller une étiquette dans le dos. La musique « terrienne » est tantôt pop, tantôt rock, limite électro. Elle peut flirter avec le Rap, le Slam. C'est un pari risqué d’oser la qualifier parce que David y met plusieurs styles. « Ce n’est pas calculé. Je fais au gré de mes envies. Pour Cendrier, par exemple, la structure de base est reggae. Mais je l’ai cachée au fur et à mesure du travail. Finalement, on est très loin de Bob Marley (rires). »

Terrier touche sans plonger dans le pathos. Il dit sans trop dire. Se dévoile sans mise à nu gratuite. Il ne brouille pas les pistes. Il connait juste la limite, le bon dosage pour ne pas tomber dans l’écœurant et le larmoyant. « Je suis assez pudique mais si les gens qui écoutent ma musique y trouvent une certaine universalité, ça veut dire que j’ai bien fait mon boulot. »

Et le lien avec le Quai M ? « J’étais là pour l’ouverture. Je suis revenu quand j’ai accompagné Izïa sur scène. J’ai hâte d’y retourner. Et j’ai des souvenirs très forts avec le Fuzz’Yon. Ma première salle de concert, c’est le Fuzz’Yon. Je n’étais pas bien vieux à l’époque. J’étais allé voir Stuck in The Sound. Un très grand souvenir. Tant par l’expérience du lieu que celle du groupe. »

C’est le printemps. Synonyme de recommencement. De reprise. De réveil. De retour. D’espoir aussi. Et comme par hasard, Terrier sort de sa cachette, de la sécurité de son cocon à ce moment précis. Comme par hasard, avec un EP intitulé « Papillons ». Il n’y a pas de hasard.

On sera avec lui en mai prochain pour le voir déployer ses ailes et prendre son envol avec son nouvel EP. Et d’ici là, patientons avec son dernier titre « J’ai plus peur » sorti le 28 mars.

 

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